Demande de classement du domaine de Grignon – AgroParisTech
le 4 avril 2021
Depuis le 15 mars 2021, les étudiants d’AgroParisTech se mobilisent pour faire entendre leurs revendications concernant la vente du site de Grignon.
En effet, le ministère de l’Agriculture, propriétaire du domaine, a entamé depuis 2015 sa cession par l’intermédiaire de la DIE du fait du déménagement à Saclay d’AgroParisTech. Jusqu’au 26 mars, l’Etat se gardait la possibilité de suspendre ou d’annuler la vente. Cette date étant passée, le processus de vente est rentré dans sa phase finale. Parmi les quatre porteurs de projet retenus figurent deux promoteurs privés : Altarea Cogedim et Novaxia. Les deux autres porteurs de projet sont le Grand Paris Aménagement et le projet Grignon 2026, porté par la société SAS Grignon 2026 avec la communauté de communes Cœur d’Yvelines. Seul le projet Grignon 2026 a été rendu public. Au vu du manque d’informations sur les projets des autres candidats, nous avons toutes les raisons de craindre une modification des bâtiments du domaine, une atteinte à l’authenticité du site voire une artificialisation des terres.
Nous demandions au début du mouvement un moratoire permettant de réévaluer les critères de vente. Après un rendez-vous avec le cabinet du Ministre de l’Agriculture le vendredi 19 mars, et un autre le lundi 22 mars avec la Direction Immobilière de l’Etat, nous n’avons obtenu aucune garantie de prise en compte de la valeur naturelle et patrimoniale du domaine. Dans ce contexte, le classement du site de Grignon est urgent pour garantir sa protection.
L’ensemble du domaine intra-muros – à savoir les terres agricoles, la forêt et les bâtiments construits avant 1941 – est inscrit aux monuments historiques depuis le 5 juillet 1941.
Une procédure de classement au titre des monuments historiques a été évoquée en 2020 mais ce projet n’a pas été retenu pour des raisons injustifiées. Afin d’obtenir une garantie d’obligation de conserver l’authenticité et l’intégrité du domaine historique, les étudiants ont choisi de soumettre une nouvelle demande de classement au titre des monuments historiques à M. Jean-François Hébert, Directeur général des patrimoines et de l’architecture et à M. Albéric de Montgolfier, président de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA).
Nous estimons qu’il est du devoir de chaque citoyen de se battre pour conserver des sites comme Grignon, qui nous fournissent de nombreux services écosystémiques et dont l’importance au vue de la crise écologique sera renforcée dans les prochaines années.
La communauté AgroParisTech
Un article de La Tribune de l’Art pour en savoir plus sur l’histoire du site et des bâtiments d’intérêt patrimonial
Pour nous soutenir dans ce projet, vous pouvez signer notre pétition
Un article de La Tribune de l’Art pour en savoir plus sur le classement de sites d’intérêt
Le domaine de Grignon, un site remarquable qui mérite d’être classé
– Intérêt patrimonial historique
L’intérêt culturel du site est fort. En effet, le château et ses dépendances, les terres agricoles et la forêt de chasse sont un parfait exemple de château aristocratique du XVIIème siècle. L’intérêt patrimonial s’explique aussi par la richesse architecturale des bâtiments, en particulier le château du XVIIème siècle, en pierres et briques, d’époque Louis XIII et ses communs (le pavillon de l’horloge et de la rose des vents). Le site recèle aussi un pigeonnier, une bergerie construite pour accueillir 1000 moutons et beaucoup d’autres bâtiments qui méritent d’être conservés.
– Un potentiel agronomique fort
Le domaine de Grignon possède une diversité de sols importante : calcaires, argileux, limoneux (très intéressants en agriculture), ce qui permet une certaine diversité de cultures et de pratiques agricoles.
De plus, cette diversité de sols est un atout pour la recherche, avec en plus la coexistence de champs et de forêts. Certaines parcelles expérimentales sont historiques, comme les parcelles Dehérain sur lesquelles aucun engrais n’a été utilisé depuis 1887.
L’enjeu d’une agriculture locale est de plus en plus reconnu, avec notamment la loi EGalim qui obligera dès 2022 les cantines à proposer 50 % de produits durables, dont 20 % de bio.
Le maraîchage étant possible à plusieurs endroits sur le site, Grignon pourrait participer à cette transition nécessaire pour la restauration collective.
La ferme expérimentale de Grignon cultive 160 ha sur le domaine, dont 50 ha de parcelles expérimentales. Le secteur bâti se trouve à Thiverval-Grignon, avec une boutique, une laiterie et les 200 vaches laitières et 550 brebis.
– Une aubaine pour une région urbanisée comme l’Ile-de-France
Située à 45 km de Paris, la commune de Thiverval-Grignon considère le site comme « un
véritable poumon vert du territoire » (PLU de la commune de Thiverval Grignon approuvé le 20 janvier 2020).
Grignon renferme la majorité des zones boisées de la commune, ainsi que des zones humides autour du ru de Gally.
Ce domaine est un atout pour la communauté, en termes d’emplois, d’activités de plein air mais également d’enseignement.
Le site est fermé au public depuis la tempête de 1999, mais il mériterait d’être de nouveau ouvert au public pour toutes les raisons évoquées précédemment.
– Importance paysagère
Le domaine de Grignon fait partie de l’ensemble paysager de la plaine de Versailles. Les constructions sur le site sont ainsi régies par la charte paysagère participative de la plaine de Versailles (2013).
– Un intérêt géologique et paléontologique
Le domaine de Grignon possède des sites de grand intérêt géologique : la Falunière et les faluns du Lutétien.
La Falunière, coupe d’environ 5000 m², permet de reconstituer une coupe complète du Lutétien moyen et supérieur (environ 45 Ma). C’est une des coupes les plus riches au monde. Elle est considérée comme un “hotspot” de la biodiversité fossile du fait du grand
nombre de fossiles qui s’y trouvent et ont été décrits (notamment plus de 800 espèces de mollusques et 190 espèces de foraminifères).
Ce site géologique est un lieu important pour la science et l’enseignement. Des scientifiques comme Linné, Lamarck et Brogniart ont notamment travaillé sur le site. L’absence d’équivalent dans le monde en fait un bien culturel pour l’humanité. Cependant,
sa protection actuelle est insuffisante (arrêté préfectoral uniquement). Tous les sites des faluns de Grignon doivent être préservés conformément au décret du 28 décembre 2015 sur
la protection du patrimoine géologique.
– Un haut lieu de biodiversité
Le domaine de Grignon possède une grande diversité écosystémique, faunistique et floristique. C’est un observatoire du milieu naturel de première importance.
– L’arboretum a été créé en 1873 par Pierre Mouillefert pour l’enseignement. On y trouve des espèces comme l’arbre de fer (Parrotia persica), le Faux de Verzy (Fagus sylvatica var. tortuosa), l’arbre aux pagodes (Sophora japonica ‘pendula’). Cet espace boisé remarquable comprend aussi le jardin anglais (120 espèces sur 5 ha), l’ensemble ayant un intérêt historique et pédagogique important.
– 54 espèces ornithologiques ont été répertoriées en 2015, dont deux espèces protégées.
– Une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de 231 ha de type II, le milieu naturel caractéristique étant la hêtraie calcicole à sous bois de buis. D’autres habitats naturels sont répertoriés : jonchaie et milieux humides autour
du ru de Gally, chênaie-charmaie, fourrés et plantations de peupliers.
Plusieurs espèces d’intérêt sont mentionnées dans la ZNIEFF : deux espèces d’oiseaux protégées (Buteo buteo, Cyrcus cyaneus) et six espèces de
phanérogames (Carex mairei, Ranonculus parviflorus, Tulipa sylvestris, Buxus sempervirens, Daphne laureola, Mercurialis perennis)
– Parmi les espèces recensées par l’INPN à Grignon on compte 12 phanérogames et 2 insectes classées « en danger critique » au niveau régional, 19 phanérogames, 3 oiseaux, 3 insectes et un mammifère classés « en danger ». Dans un espace anthropisé comme la plaine de Versailles, des sites comme Grignon permettent de conserver une biodiversité essentielle aux activités pédagogiques, à la chasse et caractéristique de l’environnement francilien.
– Du fait du manque d’entretien du site depuis la décision du Ministère de l’Agriculture de vendre le site, la ZNIEFF de niveau 1 qui concernait la Côte des Buis a perdu récemment son label.
Photographies : M. Jacques de Givry
Rédaction : étudiants d’AgroParisTech
Une procédure de classement avait déjà été proposée mais refusée. Plus de détails ici.